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    - « Une aide-soignante peut-elle pleurer devant un patient ou sa famille ? »
    - « Ah non, ce n'est pas du tout professionnel ! »

    Et si je vous demande de regarder un sketch d'un humoriste sans rire ?
    Et si je vous demande de vous cogner le petit orteil contre un coin sans avoir mal ?
    Et si je vous demande de vivre sans boire ni manger ?
    Et si ... ? Et si ...
    Et si un(e) aide-soignant(e) était un robot, sans cœur, sans émotion ?
    Serait il/elle meilleur(e) soignant(e) ?
    Plus professionnel(le) ?

    Ce soir, avant de partir, j'ai voulu dire au revoir à un patient. Un patient qui m'a touché, qui m'a marqué, avec qui je n'ai pas mis de barrière. (J'ai tendu le bâton pour me faire battre me direz-vous ...)

    Ce soir, avant de partir, j'ai voulu dire au revoir à un patient que je ne reverrai plus. Je le sais, il le sait, la famille le sait.

    Ce soir, je suis passée dans la chambre avant de partir, mais ce patient dormait. Alors je me suis approchée de son épouse, allongée sur un lit d'appoint. Je me suis penchée vers elle et je lui ai dit :
    « Ce soir je suis en vacances, et je tenais vraiment à lui dire au revoir avant de partir. Il dort et je ne veux pas le réveiller ...
    alors est ce vous pourrez lui dire, et lui faire un bisous pour moi ? »
    . Elle m'attrape le main, les yeux brillants, et me promet qu'elle le fera. Un silence, puis je rajoute : « Avec votre mari je ne sais pas pourquoi mais ça a été spécial ...
    Je penserai très fort à vous. Prenez bien soin de vous, courage pour la suite, et sachez que je ne pourrai jamais l'oublier. Il restera là "❤️" ».
    A ce moment là, une larme s'échappe de toutes celles que je retiens devant eux depuis le début de la journée. Dans la chambre, la lumière est tamisée, mais rien ne peux la cacher.
    L'épouse du patient met sa main sur ma joue, avec tendresse et bienveillance, et me remercie profondément pour la considération, la tendresse et l'affection que j'ai pu avoir pour son mari.

    Ce soir, avant de partir, j'ai voulu dire au revoir à un patient. Ce soir, j'ai pleuré devant la famille de ce patient. Ce soir, l'épouse de ce patient m'a remercié pour cela.

    Je suis sortie de la chambre et j'ai pleuré encore plus.
    Je suis rentrée chez moi et j'ai pleuré encore plus.
    Je suivais ce patient depuis 1mois par intermittence, mais le temps n'a pas d'importance quand on parle de sentiments. La blouse, le grade, le lieu ou le moment non plus.
    Je, vous, nous sommes humains avant d'être étiquetés « aide-soignant(e) ».
    Avec notre histoire, notre caractère, nos valeurs, ... et puis certaines choses se font naturellement, sans explication, sans contrôle.

    Certains penseront peut être que je veux « romancer » cette histoire, ou que ma réaction est une honte. D'autres se diront que j'écris pour me déculpabiliser (peut être que oui au final ...) ou attirer la pitié.
    Mais non, je pense que je suis juste « une jeune femme » qui a travaillé 7h30 avec « une blouse d'aide-soignant(e) » et qui veut partager son histoire, ses craintes, ses doutes, ...

    Je tiens à m'excuser auprès de tous ceux qui auront été offensés par ce récit.

    Je souhaite bon courage à toutes les personnes qui, comme moi, font face à des prises en charges émotionnellement difficiles.
    Et pour finir, je tiens à vous dire que mon seul regret ce soir, ce n'est pas d'avoir pleuré devant l'épouse de mon patient. Non. Mon seul regret c'est de ne pas avoir pu dire tout cela à mon patient lui même."


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